L’octroi d’un Passeport Diplomatique en RDC: Entre la cacophonie et l’intrigue où se situe le peuple congolais ?

Tribune



En effet, depuis le début de cette année nous avons assisté à un foisonnement d’octroi des passeports diplomatiques assortis de titre d’ambassadeurs à certaines personnalités de la musique en l’occurrence : Gims, Dadju et Koffi Olomide. Du côté du ministère de la culture, arts et patrimoines, il est renseigné que plusieurs autres artistes se verront aussi être décerné le titre d’ambassadeurs de la rumba et/ou de la culture congolaise. Nous n’en sommes pas encore là!

Pas plus tard qu’hier, l’acteur Belge Jean-Claude Camille François Van Varenbeg à l’état civil dit Jean-Claude Van Damme s’est vu octroyé un passeport diplomatique et est a été présenté comme ambassadeur de la RDC pour la visibilité du Projet FatshiCity.
Cette nouvelle et la présentation des faits à l’opinion ont une fois de plus semé la confusion dans la tête de la population au point de se demander s’il était congolais ou pas pour bénéficier d’un tel document ou s’il était réellement nécessaire ou important de lui en délivrer ce document ? La toile et les arrêts de bus de bus se sont enflammés. Chacun y met sa couche selon qu’il s’agit de se moquer du gouvernement ou de JCVD qui serait déjà un produit périmé dans les studios Hollywoodiens : Paramount, Universal studios, Columbia Pictures…

En effet, le Décret N°09/10 du 30 mars 2019 portant octroi règlementation des passeports nationaux en RDC donne en son article 1er la catégorie des passeports valides en RDC :
1/ passeport diplomatique,
2/ passeport de service,
3/ passeport ordinaire
4/ passeport de pèlerins.

A l’article 2 on note que  »la gestion des stocks des passeports visés à l’article 1er relève de la compétence conjointe du Ministère des affaires étrangères et des Finances. »

L’article 4 cite les personnalités suivant leurs rangs qui ont droit au passeport diplomatique à l’instar du Président de la République, le Premier Ministre, les députés nationaux, les sénateurs, les membres du gouvernement, le premier président, les présidents et les conseillers de la cour constitutionnelle, de la Cour de cassation et du Conseil d’État, les Procureurs Généraux, 1er avocats généraux, avocats généraux de la République, ambassadeurs et consuls, mandataires publics, gouverneurs et vice-gouverneurs,… La liste n’est pas exhaustive. Bref toutes les hautes autorités tant civiles que militaires de l’administration ainsi que certains membres de leurs cabinets. A cette liste s’ajoutent aussi les conjoints et enfants mineurs des personnalités citées dans cette disposition.

Cependant, d’aucuns se posent la question de savoir si les artistes musiciens, acteurs de cinéma, footballeurs, hommes d’affaires nationaux ou étrangers peuvent-ils être bénéficiaires d’un passeport diplomatique ?

La réponse à cette question se trouve à l’article 8 du Décret précité :  »Le président de la République, le Premier Ministre et le ministre des affaires étrangères, peuvent ordonner la délivrance d’un passeport diplomatique ou de service à toute personne de nationalité congolaise ou étrangère non reprise aux articles 4 et 5 du présent Décret, pour autant que cette dernière soit appelée à défendre les intérêts de la RDC à l’étranger. »

Il ressort de cette disposition 2 aspects:
D’une part, elle pose les bases des autorités compétentes que sont : Le Président de la République, le Premier Ministre et le ministre des affaires étrangères. En dehors d’elles, aucune autre autorité administrative ne peut
ordonner la délivrance d’un passeport diplomatique ou de service.
D’autre part, cette disposition renferme la clause conditionnelle en ce sens que la personne (congolaise ou étrangère) à qui l’autorité a décidé de la délivrance d’un passeport diplomatique ou de service doit être appelée à défendre les intérêts de la RDC à l’étranger. C’est donc là une condition sine qua non renfermant une certaine obligation de la mission à défendre les intérêts de la RDC à l’étranger.

Précisons en outre que le but d’un passeport diplomatique est de favoriser l’exercice d’une fonction officielle. C’est un document de voyage qui facilite les conditions de déplacements de leur titulaire pour se rendre dans certains pays et y exercer leur mission. Aussi, nous devons noter que la possession d’un passeport diplomatique ou de service ne confère pas des immunités à son détenteur.

Une autre question qui se pose c’est la qualité d’ambassadeur conférée à 3 artistes musiciens et maintenant à un acteur de cinéma américain. Ici il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit du pouvoir discrétionnaire du chef de l’État considérant la nécessité et l’urgence sur proposition du ministre des affaires étrangères. L’article 79-2 stipule que le Président de la République  »stutue par voie d’ordonnance »

Et conformément au droit positif, les bases règlementaires sur cette matière sont :
l’Ordonnance n°72-234 du 02 mai 1972 portant Création du Corps des
Diplomates de la République et Intégration dans le cadre des Affaires
Etrangères ;
l’Ordonnance n°78-448
du 16 novembre 1978 telle que modifiée et complétée à ces jours portant Règlement d’Administration relatif au Corps des Diplomates de la République. C’est donc en vertu de ces textes que le Président de la République, sur proposition du ministre des affaires étrangères peut élever certaines personnalités à la dignité d’ambassadeur. Jusque là depuis l’élévation de GIMS, Dadju, Koffi Olomide et JCVD nous n’avons encore rien vu de tel. Aucune ordonnance n’a été signée ni publiée au Journal officiel. Dans un État de droit, les autorités administratives ne peuvent pas s’illustrer à conférer des titres aux personnalités sans le moindre soubassement légal ou réglementaire au risque de contribuer au bouleversement du système juridique par quelque norme.
Doit-on jusqu’à la preuve du contraire considérer ces élévations nées d’une simple parole de l’autorité administrative comme une norme extrapyramidale, car elle porte atteinte à la hiérarchie des normes et provoque l’anarchie, la déstabilisation du système comme aime bien le dire le Prof E. BOSHAB.

Rappelons que l’ordonnance N°18/150 du 25 décembre 2018 relative à l’élévation à titre exceptionnel à la dignité d’ambassadeur est le tout dernier texte de Joseph Kabila publié au Journal officiel.

De tout ce qui précède, la confusion qui existe dans l’opinion est tributaire des types de l’argumentation (je ne dirai pas la communication) des autorités pour un auditoire non préparé. Il arrive que l’on commette l’erreur qui consistant à s’appuyer sur des prémisses que l’interlocuteur n’a pas admises. Comme disait PELERMAN, on en encourt alors une pétition de principe, càd que l’on postule ce que l’on veut prouver. Toute argumentation est au sens large ad hominen, car elle dépend de ce que l’interlocuteur est prêt à admettre, on utilise mal ledit argument lorsque l’on suppose, de façon erronée, que l’interlocuteur a déjà accepté une thèse que l’on essaie de lui faire admettre. Vu qu’il est impossible de présenter tous ces éléments, l’argumentation devra être nécessairement sélective, et de deux formes, car il faut aussi bien choisir les éléments que la manière de les présenter disait le Prof J-P SEGIHOBE.

MUABILA GLODY/Avocat

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